Prochaine étape de notre périple : le Mondulkiri (kiri, kiri, kiriiiiiiii).
Au départ, le Mondulkiri (kiri, kiri, kiriiiiii), c’était pas vraiment sur la liste. Après, on a commencé à voir des pubs par-ci par-là dans les agences pour touristes, avec des photos d’éléphants dessus (ben oui, les éléphants, c’est comme les pandas, tout le monde kiffe!), et puis des pubs pour le café du Mondulkiri (kiri, kiri, kiriiiiiii – OK, j’arrête – grâce auxquelles j’ai découvert le fantastique Iced Coffee local, sucré/lacté au lait concentré, une vraie Danette à boire à la paille!), et comme en plus Ben (le tuk-tuk de Kratie, suivez bordel!) connaissait un guide là-bas, on a dit banco !
Comment qu’on y va ? T’inquiètes dit Ben en dégainant un carnet de la selle de sa meule customisée, moi je te vends le ticket de bus ! Rencard 7h du mat devant l’hôtel, départ 7h30 !
On remballe à nouveau, et c’est reparti. Après un petit moment de doute (7h15, pas de Ben ni de bus…), on se rappelle de l’existence du quart d’heure Cambodgien, et on se relaxe un peu. Le Ben vient nous dire au revoir et voilà le bus (ouiii, le CAR, mais ça va moins bien dans mon récit le mot CAR, et dire que Mamie Suzanne disait CAR au lieu de BUS… bref). Le bus en question, c’est un 25 places, une fois les sacs dans le coffre à l’arrière, en avant ! Difficulté numéro 1 : se déplacer dans le bus. C’est à dire que l’intégralité du sol du bus (couloir+entre les sièges) est tapissée de sacs de riz de 50 kilos sur lesquels il faut marcher pour se déplacer, sans te fouler une cheville entre 2 sacs bien sûr ! Ni une ni deux, le chauffeur vire de son siège le pauvre petit cambodgien tout seul qu’avait rien demandé pour qu’on puisse être à coté avec Poloch. C’est moche, on pouvait se mettre ailleurs. Mais l’a pas l’air de discuter le pilote. On obtempère. Ouf, on est assis. Ah non, merde, il change d’avis. Finalement, mettez vous au fond. Oh putain, on repart sur le parcours du combattant Total Wipeout version sacs de riz (au passage, je m’arrache le mollet sur un bout de siège déglingo – Louss, l’est à jour mon vaccin anti-tétanique??), pour aller à l’arrière. Et en plus, Martin le tout seul récupère même pas son siège d’origine – lui, c’est pas son jour !
Enfin, on peut y aller !
Tu crois qu’on part ? Rêves. D’abord on récupère 2 allemands paniqués du moustique qui s’enduisent jusqu’aux orbites d’anti-moustique et qui rentrent leur pantalon dans leurs chaussettes (j’avoue, y’a des moustiques dans le bus, mais ça va, c’est pas des frelons asiatiques non plus! Cela dit, on a du – en équipe avec Hulk – tataner une énoooorme guêpe orange à l’air pas commode dans le bus, ils ont eut-être pas tort finalement). Puis, on tope quelques locaux au marché. C’est la que tout se complique à nouveau. Puisqu’en plus de charger des sacs énormes de noix de coco sur les sièges (le coffre est petit, et nos sacs gros…), on charge aussi… le scooter du vendeur de coco !! Si si, dans le bus. NON, pas dans le coffre. DANS le bus… Dans le couloir du bus, roue arrière entre 2 sièges, roue avant attachée avec une corde dans les escaliers pour monter dans le bus. A l’aise. Ultra pratique pour ceux qui vont monter/descendre du bus pendant les 5 heures à venir…
Cette fois on part. Il est 8h30. (Quart d’) heure cambodgien(ne)…
On s’arrête toutes les 20 minutes pour poser quelqu’un/prendre quelqu’un ou pour récupérer/livrer un colis (ah oui, ça sert aussi de transport postal le minibus!). La preuve, au bout de 2 heures, y’a une dame qui vient donner son colis au bus pour amener à Sen Monorom (« la » ville du Mondulkiri) : je vous le donne en mille… un scooter !!
Si, si.
Un autre.
Un deuxième scooter.
Personne bronche, le chauffeur a pas du tout l’air déphasé, ni inquiet du fait que dans le bus, y’a plus de sièges libres (donc pas de siège à scooter…). Castagnette, on le met dans le coffre. Vous avez bien entendu. On le met dans le coffre. C’est à dire qu’on fait les 3 dernières heures de route sur la pire route de l’univers, tellement pourave que si t’essaies de dormir la tête contre la vitre tu frises la commotion cérébrale, sous la pluie, en doublant tout ce qu’on peut, à contresens, dans un concert de klaxon, avec le coffre ouvert et un scooter attaché derrière avec des bouts de ficelles et des tendeurs… Ah Asie, continues à nous faire rêver comme ça. Et moi qui m’inquiète quand je vais à IKEA et que je ressors avec un gros carton…
Ah oui, et le mieux du mieux dans tout ça ? Polochon, qui a fini par se mettre tout au fond pour pouvoir allonger ses jambes, se retrouve au-dessus du fameux coffre ouvert, par lequel rentrent tous les gaz d’échappement… Mais c’est qu’il risque l’empoisonnement au monoxyde de carbone mon Poloch ! Vivement qu’on arrive !
Après 5 heures de route de l’angoisse, on approche enfin de Sen Monorom. Ben a promis que son pote viendrait nous chercher au bus. Gad il a dit. Enfin plutôt Gak… Ou Gek… Un truc du genre. Forcément, comme à toutes les descentes de bus du continent sud-asiatique, tu te fais alpaguer par une nuée de chauffeurs de taxis, tuk-tuk, motos… T’en évites un pour te retrouver nez à nez avec un autre, et là, on en a même un qui monte grave dans les tours parce qu’on monte pas dans la bagnole qu’il nous montre (on a entre temps trouvé Gek/Kek/Gak) et qu’on va ailleurs (l’a même fallu que Kéké lui dise un peu d’aller se faire foutre, il commencait à taper sur le capot ! En vrai, il paraît que c’est le fou-trac de Sen Monorom. Nous voilà bien…). On embarque même avec nous les allemands anti-moustiques, qui ont l’air de même pas savoir ce qu’ils font là (ils ont pas un ministre de la logistique ça se voit). On arrive dans notre super guesthouse, avec de petits bungalows au milieu de la jungle, et on négocie avec Keké (en vrai son nom c’est Kech, prononcez Kek, et il parle très bien français (il connait même l’expression « je m’en bats les couilles, c’est pour dire!)) pour faire 2 jours de trek dans la jungle avec nuit chez l’habitant, départ le lendemain !
Kéké vient donc nous chercher à 9 heures pétantes (rencard à 8h30, ç’aurait pu être pire), et on rejoint chez le fameux habitant chez qui on va dormir ce soir le reste de notre groupe pour la journée, qui eux ont commencé leurs 2 jours de trek la veille. Il se lèvent d’une nuit dans des hamacs à 7 pendus épaules contre épaules au milieu des coqs et des cochons, et ils sont encore couverts de boue. Ca n’augure rien de bon… Il sont 7, tous français, en stage infirmier au Cambodge pour 6 semaines, et ils profitent de leur temps libre pour visiter le pays (ils ont bien raison) ! Ils ont fait la veille ce qu’on fera nous demain, la partie trek pure – bon, à leur décharge il pleuvait, et vue la boue autour de nous, ça a du rendre l’épreuve quasi insurmontable ! Aujourd’hui du coup, c’est balade éléphants pour tout le monde !
Au bout de 20 mètres de montée dans la boue, je suis déjà fatiguée. La journée va être longue…
Of course, après même pas 30 minutes, j’ai déjà le cul dans la boue et les mains dégueu (heureusement, j’ai évité la bouse d’éléphant!). Laissez moi vous expliquer le concept de la balade éléphant : en fait, aujourd’hui on va promener AVEC (et pas SUR) les éléphants, puis leur donner le bain dans la rivière 🙂 Au bout d’une trentaine de minutes de marche (après la chute dans la boue, et après que Potao (Pot-à-eau ? Le nom en phonétique de notre deuxième accompagnateur) nous ait fabriqué en 2 coups de coupe-coupe deux bâtons de marche en bambou), on tombe nez à cul avec 3 éléphants, qui sont là, tranquilles, à désosser des buissons entiers de bambous. Ils sont chacun accompagnés de leur « meneur », qui lui aussi marché à coté, ne sont pas entravés aux pieds, et n’ont qu’un collier autour du coup si besoin de leur indiquer une direction à prendre. 2 mâles et une femelle (faciles à identifier, même s’ils n’avaient pas eu de défenses, y’en a 2 qui ont un kiki de 1 mètre de long qui traîne par terre quand ils marchent, et 1 qui va coller sa trompe dans la bouche de l’un ou sur le kiki de l’autre tour à tour, ça me semble assez explicite!). Après leur avoir fait quelques petites caresses (avec l’impression de caresser un canapé en cuir), s’être fait morveller sur les doigts, et leur avoir filé quelques bananes, on finit notre rando jusqu’à la rivière, rythme tranquillou, avec nos éléphants qui baladent avec nous et qui laissent des traces dans la boue dignes de Jurassic Park ! C’est vraiment très cool !
On arrive à la rivière, et on se pose sous une hutte en palme, le temps de préparer le déjeuner. Forcément, première petite baignade obligatoire (en marchant dans la boue pieds nus – mmm cette sensation de boue épaisse qui te passe entre les orteils…), malgré la pluie intermittente et les températures plutôt fraiches (surtout comparé à Angkor il y a quelques jours!). Même pas peur (et puis l’eau est marron – saison des pluies oblige – donc mieux vaut ne pas penser aux sangsues et autres habitants de la jungle quand tu te baignes…).
Pour le dej c’est riz (sans déconner??), mais surtout poisson chat local grillé au feu de bois ! Pour les futurs Koh-Lanteurs : quelques tiges de bambou pour les embrocher, et une tige plus grosse, fendue au milieu, pour les maintenir en place, et le tour est joué ! Frais de chez frais, ils bougent même encore quand ils les posent sur le feu… Bon, au final, ça a plus un goût de fumé que de grillé, mais c’est très très bon, et ce repas sous la hutte en pleine averse à s’envoyer des rasades d’alcool de riz maison et à découvrir les clopes locales (= une feuille d’arbre roulée remplie de tabac « maison » et tenue fermée avec une ficelle – je les soupçonne de se bidonner en vietnamien en se disant « regarde ces cons qui goûtent notre truc dégueu, même nous on le fume pas!…) c’est assez inoubliable (je crois que Pot-à-eau a d’ailleurs un léger problème d’alcool…) !
Une fois le déjeuner terminé (et les bouteilles d’alcool de riz aussi), c’est l’heure du bain des éléphants ! Tous à l’eau, et les grosses bebêtes nous rejoignent, s’allongent dans l’eau et se laissent gratouiller tranquillement, en nous envoyant de temps en temps deux trois douchettes à la trompe ! Avec leurs gros poils tout durs, c’est vraiment une drôle de sensation la peau d’éléphant. Le notre, le plus gros des 2 mâles, s’appel Poc Mai (PacMan?). Bien sûr, en tout jungle tour qui se respecte, ils nous font quand même monter sur le dos des éléphants pour faire une photo, mais ils sont encore couchés dans l’eau, et on monte à cru, donc sans l’espèce de siège ignoble qui leur rabote le dos. Le guide nous permet même de remonter une deuxième fois pour sortir de l’eau sur leur dos, mais perso, juste une fois dans l’eau ça m’a suffi (et puis montés à 3 ou 4 à cru sur le dos d’un éléphant qui monte une pente à 45 degrés pour sortir de l’eau, je serais tombée c’est sur !). Au final, les éléphants n’auront été montés que 3 minutes, mais peut être pour moi les 3 minutes de trop, j’aurais préféré qu’on les laisse complètement tranquilles, mais ils ont l’air happy à s’envoyer des arbres entiers après le bain, ça a l’air d’aller !
Après un rincage de boue-des-pieds, et un ré-enfilage de nos habits, on repart pour un petit trek qui va nous ramener au village, cette fois, par un chemin pas piqué des vers (le chemin de la mort pour les français qui l’ont déjà fait la veille…), ou chaque pas demande une concentration extrême si tu veux pas finir 10 mètres plus bas avec de la boue dans le nez ! Cette boue elle colle tellement que mes chaussures de rando ont les pneus lisses, et pèsent 3 kilos chacune (génial…).
On passe par de la rizière, des champs de noix de cajou, des plantations de manioc et de bananiers, on nous fabrique de (magnifaïks) colliers en feuille de manioc (re-génial…), et on croise, dans ces montées et ces descentes dignes d’un Indiana Jones des motos, avec 2 ou 3 personnes dessus, qui montent ou qui descendent dans la rigole tracée par toutes les motos qui circulent (oui, là, en pleine forêt enterrée sous la boue… Un peu l’équivalent des traces pour faire du ski de fond à Giron, mais en version trace unique pour les pneus de scoot locaux qui ont la taille d’un pneu de B’twin), équipées de chaînes (mais siiiiii!!!) pour ne pas glisser. Ah mais alors c’est çaaaa ces traces que j’ai vu dans la terre qui ressemblaient à des crampons d’alpinistes ?? J’aurais tout vu…
15 heures, nous revoilà au village, et à la mode Cambodgienne (à la cooooool), Kéké se barre pour redescendre le groupe qui a fini ses 2 jours, il nous présente pas les gens chez qui on dort (y’a que la femme et les enfants dans la maison), nous dit pas « là c’est les cabinets », ni que personne ne parle anglais… Il dit juste à demain matin (c’est loin, demain matin, quand il est 15 heures et que t’es dans la cabane en bois d’inconnus, sous la pluie, entouré de cochons et de poules…). Heureusement qu’on peut jouer aux Aventuriers du Rail en bluetooth !
On observe silencieusement la vie locale. On est dans un village Bunong, une minorité cambodgienne qui a sa propre langue. Ils vivent d’élevage et d’agriculture. La maman de la famille qui nous accueille (enceinte de 8 mois, si les petits français me l’avaient pas dit je l’aurais même pas vu, elle a le même ventre que moi après 2 pintes au O’brady’s) passe des heures à découper des tranches de tronc de bananier à l’aide d’un coupe-coupe kité très ingénieux, qui ferait pâlir de honte ma mandoline : c’est pour nourrir les cochons, mélangé avec du riz et du lait. Les enfants jouent, siestent, re-jouent, aident à nourrir les animaux.
Le chef de famille, Nara, finit par arriver, et lui il parle anglais. C’est notre guide pour le trek du lendemain. Il a une ferme, et cultive riz, bananes et noix de cajou, mais il ne vend que les cajous (les bananiers c’est tout neuf, il a pas encore récolté), et il conserve les 1000 kilos annuels de riz qu’il produit pour toute sa famille et ses animaux. Leur maison est plutôt grande, avec un coté de la maison très rustique (sol en terre, estrade en bois, feu au sol pour cuisiner et manger) et un autre coté composé d’une grande pièce carrelée avec télé et une petite chambre. On dirait une salle des fêtes tellement c’est grand et vide (d’ailleurs, le soir venu, tous les enfants du village viennent pour regarder Tom et Jerry!). Au Cambodge, on mange tôt, quand le soleil se couche (donc à 17h30 – Poloch va s’auto-digérer d’ici à demain matin…). Nara et sa famille nous servent du riz et des légumes, avec un petit peu de porc, c’est super bon, plein de saveurs et d’herbes qu’on ne connaît pas. On mange sur l’estrade en bois, coté cuisine, avec le feu qui nous enfume à mort.
Il nous explique qu’il a déjà 3 enfants, mais que seulement 2 vont à l’école. La plus grande a 15 ans, et elle s’occupe avec sa mère de la ferme et de la maison. Une fois le repas terminé, on partage un petit moment avec eux dans la grande pièce télé, en sirotant des shots d’alcool de riz devant un match de boxe thaï à la télé (grande comme celle de Claire quand on regardait X-files ensemble en 1998), pendant que le fils essaie de faire ses devoirs de maths (on peut même pas l’aider, même les chiffres ne sont pas écrits en chiffres arabes dans la langue khmer!). Polochon devient l’idole du fils de Nara quand, dans la nuit, il réussit à atteindre un cochon au lance-pierres, qui a détalé pas très content… On finit par aller se glisser dans nos hamacs pendus dans la « cuisine » au dessus de l’estrade (je pense qu’ils ont pas factorisé les 95 kilos de Hulk, il a les fesses qui rasent le sol!). Maman, avec son « gros » bidon, est venue vérifier qu’il n’y avait pas un petit Babe ou quelques poules planquées sous l’estrade (les copines enceintes, je vous mets au défi, quand vous en serez à 8 mois, de vous accroupir comme elle l’a fait, avec les fesses à 5cm du sol, et de vous baisser pour regarder sous un truc de 40 cm de haut…). Et comme les hamacs sont modernes, ils ont une moustiquaire intégrée que tu zippes une fois que t’es dans l’affaire, et qui vient se coller sur ta figure pour toute la nuit… (moyen confort…). On dort comme des momies, les bras croisés sur la poitrine. Poloch a réussi à dormir en caleçon alors que moi je me suis gelée toute la nuit (mais j’avais prévu, il fait froid dans le Mondulkiri) même avec mes 2 pulls et mes chaussettes de ski. Je crois qu’il a un problème de cablâge nerveux celui-là…
Bon, au Cambodge on se couche avec le soleil, mais on se lève avec lui aussi du coup… Les coqs sont un peu déréglés, à 4h du mat, ils se mettent en route (et y’en a un qui a une voix qui ressemble à la mienne après 2 nuits de bringue d’affilée!). A 5 heures, tout le monde est en route, Maman a mis le feu en route dans la cuisine, donc la porte est ouverte, les poules font bordel sous les hamacs, les porcinets courent partout, et la pièce est enfumée. Fin de la nuit pour les deux blancs !
Dès 6 heures, la journée de la veille se répète : Maman recoupe du bananier, on nourrit les animaux, on regarde un peu de dessins animés. Les enfants partent à l’école un peut plus tard, à deux ou trois + 1 parent par scooter, sans casque of course ! Y’a quand même un mec, conduisant sa meule à une main avec un bébé de moins d’un an sur l’autre bras, qui a perdu le contrôle de son scoot dans la boue et qui s’est ramassé devant nous, avec le bébé ! Il a été sacrément moulu que le bébé chute entre le guidon et la selle du scoot. Il a pas fait le malin, le bébé n’avait rien (heureusement qu’il roulait doucement!) et il a bien du se faire jeter en arrivant à la maison !
On attend que Kéké nous amène le petit dej, mais en bon Cambodgien, il finit par ne jamais arriver, et c’est un autre mec qui nous livre du pain (il mangent beaucoup de pain au Cambodge, de la baguette qu’ils appellent « baguette » d’ailleurs, et qui est plutôt croustillante et pas dégueu, meilleure que ce qu’on trouve aux USA!), histoire de se faire quelques tartines avant de décoller pour le méga trek ! Pas de nouveaux inscrits pour le trek d’aujourd’hui, on aura donc Nara juste pour nous !
Forcément, je lui demande « c’est loiiiiin ? »…
Merde, il dit oui.
6 heures de marche en tout, aller-retour. 3 heures aller, 3 heures retour… J’en pleure déjà, après cette « bonne nuit de repos »… Bon, au moins, il pleut pas, voyons les choses du bon coté !
Entre le guide ultra rodé, et Polochon et ses cuisses d’acier (même si elles ont un peu faibli après sa mise sur le banc forcée depuis l’opération du genou), je suis forcément à la traîne derrière, en train de cracher mes tripes (heureusement que je fume pas, hein!), avec mes chaussures de plomb à pneus lisses… On se fait de la grosse descente dans la boue direct, puis de la montée, du plat, des champs, de la rizière… On traverse un pont fait maison. On voit de la termitière à gogo (y’a tellement de termites qu’on les entend se déplacer sous les feuilles, ça fait le bruit d’un bol de Rice Krispies avec du lait). On se fait attaquer par les moustiques et des mini-sansgues de 1,5cm de long qui s’infiltrent partout (entre les mailles des mes pompes de rando steplait !!), mais là pour cette fois, c’est Hulk qui se fait sucer (les chevilles, merci…), il a les chaussettes pleines de sang, beurk. Moi, j’ai pas évité les sangsues, mais j’ai évité les morsures. Mais bon, j’en chie déjà assez alors…
Après que Nara se soit mangé une énorme toile d’araignée dans le face on fait la connaissance de Marta l’araignée géante, dans l’arbre au dessus (j’en ai les poils qui se dressent à nouveau dis, elle devait être presque de la taille de ma main, pas avec des pattes velues qui font un peu peluche, avec des pattes bien acérées d’araignée pas sympa… Brrrr), qui a heureusement l’air encore plus affolée que nous !
(la fameuse "trace à mobs") |
Après une première cascade, qu’on traverse en passant par en dessous, derrière le rideau d’eau, on arrive, au bout de 2 heures + seulement, à la cascade ou on s’arrête pour déjeuner. (Pourquoi on a TOUJOURS besoin d’essayer d’aller plus vite que la durée normale qu’on aurait du mettre ?? 3 heures j’en aurais sûrement moins chié qu’en essayant de suivre les deux marcheurs fous!). Celle la de cascade est pas très haute, on peut sauter du haut de la cascade dans la piscine d’en-dessous, et même s’accrocher à un liane pour se jeter dans l’eau (mais ça demande une puissance dans les bras que je n’ai pas, et une légèreté que Polochon n’a pas, donc on regarde Nara grimper tranquille Emile comme un petit singe jusqu’en haut avant de sauter, impressionnant!).
On s’envoie une rasade de riz (on est pas encore constipés avec tout ce riz ?? j’en reviens pas!), et un magnifique fruit du dragon en dessert (Nara a oublié son couteau – mais no problemo, une tige de bambou fendue plus tard, et notre fruit du dragon est débité en morceaux, ça coupe mieux qu’un couteau de la cantine ce truc-là ! Futurs Koh-Lanteurs, rappelez-vous en!), avant de repartir pour le village, via une troisième et dernière cascade (celle là pour y aller, faut t’accrocher à tous les troncs qui passent si tu veux pas descendre tout le chemin sur le cul ! Elle est immense, et elle brumise à 50 mètres alentour !), la plus belle des trois !
Allez, on cherche la méga araignée... | Maman lézard couve... |
Après 2 heures de marche et de surveillance sangsufique permanente, nous revoilà au village, et comme Kéké ne vient toujours pas nous chercher, c’est Nara qui nous ramène (pleins de boue dans sa voiture toute propre qu’il a lavée ce matin – on s’assoit sur nos K-way les pieds sur des cartons) jusqu’au bungalow. Aaaaah, la douche (semi-chaude en plus, c’est solaire, et y’a eu quelques rayons de soleil ce matin!) ! Nos habits sont couverts de boue argileuse bien rougeasse, les chaussures de rando on en parle même pas, et vu le taux d’humidité ambiant, inutile d’espérer que ça sèche avant qu’on reparte (soupir…). Je vous cache pas que là, on a bien dormi dans notre vrai lit, et même la présence d’une colonne ininterrompue de fourmis à travers la chambre n’y a rien changé !
Pour notre dernier jour dans le coin, on a décidé d’aller voir les chutes de Bou Sra, a une trentaine de kilomètres de Sen Monorom. Parce que c’est quand même bien plus fun, on loue un scoot, et en avant Guingamp ! Poncho, GoPro et Moto ! 30 kilomètres ça a l’air de rien comme ça, mais 30 kilomètres au Cambodge c’est l’équivalent d’un Bourg-Lyon en durée. On évite les camions, les autres motos, les chiens… On passe devant les plantations de poivre, les bouibs de bord de route… On en chie dans les montées avec l’accélérateur au taquet… De la bombe quoi ! 🙂
On est partis tôt, histoire d’éviter la cohue à Bou Sra, c’est super touristique il paraît. Vu le nombre de vendeurs de tissus, écharpes, bouffe, racines et noix de coco, je veux bien y croire ! On commence d’abord par aller voir la chute elle-même, en fait composée de 2 chutes consécutives (une d’une vingtaine de mètres, et une de presque 40!). La aussi, c’est bouyasse-land ! Attention ou tu mets les pieds, sous peine de finir à la flotte 40 mètres plus bas !
On a décidé, puisqu’on est là, de tester la tyrolienne de Bou Sra, qui te permet de voler au dessus de la forêt, et au-dessus des chutes d’eau ! Et en plus, ils ont réduit le prix, pour une fois qu’on paye moins que prévu, profitons-en !
La tyrolienne est récente, donc on est super bien équipés, et très bien briefés par les deux guides qui nous accompagnent. 15 minutes de pick-up plus tard, nous voilà de l’autre coté des chutes d’eau, prêts à escalader les premières plateformes. L’un de nos guides est Bunong, comme la famille de Nara. Il en profite pour nous parler de la forêt :
» -Tu connais ce buisson là ?
-Non
-En bunong ca s’appelle « motincompréhensible », et en khmer, ça s’appelle « autremotincompréhensible ». On s’en sert pour la soupe.
*oooh, cool*
– Et celui là de buisson, tu connais ?
-Non
-En bunong ca s’appelle « motincompréhensible3 », et en khmer, ça s’appelle « encoreunautremotincompréhensible ». On s’en sert pour la soupe.
*tiens, ça change*
– Et cet arbre, tu connais ?
-Non
-En bunong ca s’appelle « motincompréhensible4 », et en khmer, ça s’appelle « motincompréhensible5 ». On s’en sert pour fabriquer des tables et des chaises.
Et sinon, on s’en sert pour la soupe.
*sourire en coin*
– Et celui là de buisson, tu connais ?
-Non
-En bunong ca s’appelle « motincompréhensible3 », et en khmer, ça s’appelle « encoreunautremotincompréhensible ». On s’en sert pour (*laisse moi deviner*…) la soupe
*Là, on se retient de pouffer quand même…* »
Enfin bref, avec tout ça, nous voilà sur la première plateforme, harnachés et accrochés, et on se lance sur la première tyrolienne, histoire de prendre le coup. EASY ! Et super fun !
On se fait plateforme après plateforme, le guide nous explique à la troisième plateforme que la corde qui pend c’est pour faire descendre ceux qui ont peur en rappel (pourtant ça fait pas si peur du tout, ça doit être plus effrayent encore de descendre de là en rappel, non??). Mais après avoir traversé le pont suspendu-de-la-mort, qui bringuebale dans tous les sens pendant que tu marches sur un câble (accroché avec ton harnais quand même, fort heureusement!), je comprends que certains se désistent à cet endroit là (Bob, Louss, Clairbulle, impensable pour vous vertigeux!). L’avant dernière section de tyrolienne c’est la section au dessus de la grande cascade ! À 40 mètres au dessus du sol, 300 mètres de long ! Et là, c’est quand même ultra-méga-cool-qui-déchire-tout de voler avec une vue pareille sur la cascade !! Wahou quoi !! <3 <3
Ca valait bien le coup de se péter le cul sur notre mob pourave pendant une heure pour arriver là !
Encore tout excités par ce vol interstellaire, on repart sur notre fier destrier, avec l’intention de s’arrêter à la plantation de café avant Sen Monorom (on nous a conseillé d’y aller pour goûter un plat qu’ils ne servent que là – et comme on adoooore manger…). Après quelques détours dans la pampa (sur un chemin de terre boueux dans les plantations en scoot – là on est de vrais cambodgiens, heureusement que Polochon est un pilote hors pair, surtout sans Ford Fiestas ni Smarts à l’horizon!), on finit par trouver le resto de la plantation (en fait, on était passés devant un quart-d’heure avant, sur la vraie route bien sûr…). Au-dessus de l’eau, sous une petite averse qui nous brumise à travers la bâche tendue qui sert de toit, on se fait d’abord un petit jus/café glacé au berlingot, puis on cherche notre fameux plat, le banh chiao. Tout ce qu’on en sait, c’est qu’il y a une histoire de crêpe (raison de plus pour essayer, non?). Serveuse 1 ne parle pas du tout l’anglais, mais Serveuse 2 un touuuut petit peu, donc on finit par se débrouiller pour commander.
Première livraison, la sauce, dans laquelle on imagine qu’il va falloir tremper notre affaire. Agrémentée d’une joyeuse portion de cacahuètes pilées dedans (miam!!). Puis vient la seconde livraison : une assiette de feuilles.
Oui. Des feuilles.
Des vraies feuilles, vertes, crues, toutes différentes.
Et enfin, au troisième tour viennent les crêpes. Des vraies crêpes commes chez nous un peu, grandes, d’environ 40cm de diamètre, pliées en deux et farcies au milieu de pousses de soja et d’un petit peu de viande. Pas de couverts. On est un peu emmerdés là. Qu’est ce qu’on est censés faire avec tout ça ??
On tourne nos visages interrogateurs vers Serveuse numéro 2, qui vient gentiment nous faire une démo. Elle sélectionne très soigneusement des feuilles (elle a même l’air de les mettre dans un ordre particulier, mais faut pas pousser mémé dans les orties, impossible de se souvenir lequel!), qu’elle empile les unes sur les autres, un bout de crêpe qu’elle déchire autour, et hop, on roule, on trempe, et on enfourne !
Polochon a pas véritablement l’air enchanté de manger des feuilles… Mais à sa grande surprise, c’est vraiment ultra bon !! C’est frais, les feuilles sont super goutûes. Serveuse 2 nous explique qu’il y a des feuilles d’avocatier, de caféier, de cresson d’eau, toutes ultra jeunes et tendres. Surprenant et délicieux ! Elle vient même nous faire une deuxième démo quand elle nous voit en difficulté avec la partie « fourrage aux pousses de soja ». Suffisait d’envoyer les doigts en d’empiler ça sur nos feuilles ! (C’est pas chez nous que le serveur viendrait coller ses doigts dans ton assiette!). Franchement, un des meilleurs plats Cambodgiens qu’on ait mangé depuis qu’on est là ! Entre ça, les éléphants et les cascades, le Mondulkiri (kiri, kiri, kiriiiiiiii, mouahahaaaaaa) valait vraiment le détour, la commotion cérébrale sur la route, et les morsures de sangsues !